de la Vénus d'Ille
Contexte de l'écriture de la Vénus
d'Ille
Ille-sur-la-Têt
Les personnages de la Vénus
d'Ille
Quelques jugements sur
Mérimée et ses nouvelles
Résumé de la Vénus d'Ille
L'histoire se déroule à Ille, une
petite ville du Roussillon. Le narrateur, un archéologue, s'y rend en compagnie
d'un guide. Ils viennent y rencontrer M. de Peyrehorade, un antiquaire qui doit
leur montrer des ruines antiques se trouvant dans la région. En chemin vers
Ille, le guide informe le narrateur que M. de Peyrehorade s'apprête à marier son
fils, Alphonse, avec Mlle de Puygarrig, une jeune fille fortunée de la région.
Il lui indique également que l'antiquaire a découvert récemment, dans ses
terres, une statue de Vénus qui date probablement de l'époque romaine. Cette
statue inquiète : d'une part parce qu'elle a des yeux blancs angoissants, et
d'autre part, parce qu'elle a déjà provoqué un accident : elle est tombée sur
Jean Coll, l'un des ouvriers ayant participé à son exhumation, lui brisant la
jambe à cette occasion.
L'accueil à Ille est chaleureux. Le
narrateur dîne chez les Peyrehorade; le maître de maison lui présente sa femme
et son fils. M. de Peyrehorade évoque avec enthousiasme la statue de Vénus et
indique à son hôte qu'il se fait un plaisir de lui montrer dès le lendemain.
Le narrateur se fait conduire dans sa
chambre. Une fois seul, il ouvre sa fenêtre et aperçoit au loin la statue . Il
assiste aussi à une assez scène insolite : deux jeunes garçons interpellent la
statue. L'un d'eux lui jette une pierre. Celle-ci rebondit et frappe en retour
le front du garnement. Ce dernier, effrayé, s'enfuit.
Le lendemain matin, c'est M. de
Peyrehorade lui-même qui vient réveiller son hôte; l'antiquaire a hâte de faire
admirer sa Vénus à l'archéologue. Celle-ci a des traits magnifiques, cependant
son visage semble exprimer une certaine dureté. L'antiquaire fait remarquer à
son visiteur l'étrange in--SS--ion figurant sur le socle : "Cave
amantem". L'auteur la traduit en ces termes : "prend garde à toi si elle
t'aime". Puis les deux personnages tentent de décrypter d'autres
in--SS--ions de la statue, notamment celle figurant sur le bras droit de Vénus .
La discussion entre les deux hommes est vive. Les arguments de l'antiquaire sont
quelque peu fantaisistes, mais le narrateur se garde bien de contredire son
hôte. Il se borne à admirer la statue.
Après le déjeuner, Alphonse, le fils
de M. de Peyrehorade, converse avec le narrateur. Il évoque sa fiancée, une
jeune fille charmante et aussi très riche. Il lui montre également une jolie
bague sertie de diamants, anneau destiné à sa future épouse.
Le soir, il y a un dîner chez les
Puygarrig, les parents de la future épousée. Le narrateur peut admirer la grâce
et la beauté de la fiancée, mais il note également l'attitude malicieuse de la
jeune fille. De retour à Ille, chez les Peyrehorade, la discussion porte sur le
mariage qui doit avoir lieu le lendemain. Le narrateur fait remarquer qu'il est
assez rare qu'un mariage ait lieu un vendredi. Il existe une superstition
attachée à ce jour. Mme de Peyrehorade est plutôt contrariée. Mais son mari s'en
tire par une pirouette : il fait remarquer que Vendredi est le jour de Vénus, la
déesse de la beauté.
Le jour du mariage. Le narrateur
dessine le portrait de Vénus, tandis que M. de Peyrehorade offre des roses à la
statue. Il les dispose aux pieds de la déesse et lui demande de protéger le
nouveau couple. Arrive Alphonse, le futur marié, déjà habillé pour la noce. Il
assiste à une partie de jeu de paume opposant l'équipe locale à une équipe
d'espagnols. Les espagnols prennent rapidement l'avantage. Voulant venir au
secours des siens, Alphonse se jette dans la partie. Mais sa bague de diamants
le gêne dans ses mouvements. Il la retire, et pour ne pas la perdre, il la passe
au doigt de la statue. La partie tourne à l'avantage de l'équipe locale. Vexé,
le capitaine de l'équipe espagnole rumine sa défaite et marmonne, à l'intention
d'Alphonse " Me lo pagaras, tu me le paieras. "
Alphonse remonte dans la calèche pour
se rendre chez sa fiancée. Le parcours a lieu sous les acclamations. Alphonse se
rend compte qu'il a oublié la bague. Il hésite, mais finalement de peur d'être
ridicule, n'envoie personne la chercher. Une autre bague fera l'affaire.
Après la cérémonie, le déjeuner a
lieu chez les Puygarrig. Durant l'après-midi la jeune mariée fait des adieux
émouvants à sa tante.
Le soir, la réception a lieu chez les
Peyrehorade . Le narrateur est choqué par l'ambiance grivoise et débridée qui y
règne. Heureusement la mariée relève le niveau général. M. de Peyrehorade offre
à l'assistance quelques couplets sur les deux Vénus : la statue romaine
et la jeune mariée. Une fois au salon, Alphonse confie au narrateur son angoisse
soudaine : il ne parvient pas à retirer l'anneau du doigt de la statue. Le
narrateur est dubitatif . Alphonse lui propose d'aller vérifier lui-même.
Mettant cette affirmation sur le compte d'un repas trop arrosé, le narrateur
n'en fait rien et va se coucher sans avoir rendu visite à la statue. Une fois
dans sa chambre, le narrateur a une longue méditation sur le mariage.
La nuit est agitée. Le narrateur
entend plusieurs bruits : tout d'abord des pas légers qu'il attribue à la
mariée. Puis il lui semble entendre des pas beaucoup plus pesants dans
l'escalier. Il pense cette fois avoir reconnu les pas du jeune marié. Au petit
matin, il entend à nouveau ces pas lourds puis ce sont des cris et des plaintes.
Le narrateur se lève et court aux nouvelles. Le jeune marié gît sur le lit
nuptial. Il a le corps couvert de contusions. Sa femme est en proie à une crise
d'hystérie.
Le narrateur examine le corps du
marié. Il n'y décèle aucune trace de sang. Ses soupçons se portent sur le
capitaine de l'équipe espagnole de jeu de paume, mais il ne dispose d'aucune
preuve. En continuant ses investigations, le narrateur découvre sur le tapis la
bague de diamants qui normalement aurait dû se trouver au doigt de la statue. Il
constate aussi qu'il n'y aucune trace d'effraction dans la maison. Dehors les
seules empreintes que l'on peut relever sont celles qui mènent à la
statue.
Le narrateur apprend ensuite de la
bouche du procureur que la mariée est devenue folle. Il lui dévoile la
déposition qu'elle a faite : elle s'est couchée la première. Puis elle a entendu
quelqu'un pénétrer dans la chambre . Elle a pensé que c'était son mari. Cette
personne s'est couchée dans le lit et elle a senti la présence d'un corps glacé.
Plus tard une seconde personne est entrée dans la chambre, qui cette fois lui a
dit ces quelques mots : "Bonsoir ma petite femme". La jeune mariée a vu
alors la statue qui était dans son lit enserrer son mari jusqu'à l'étouffer. La
jeune femme s'est alors évanouie et n'a retrouvé ses esprits qu'au petit matin.
Elle a alors vu la statue quitter la chambre.
Le procureur convoque ensuite le
capitaine de l'équipe espagnole. Ce dernier récuse l'accusation et fournit au
procureur un alibi incontestable. Le narrateur, craignant pour sa réputation,
refuse d'explorer la piste "surnaturelle".
Après l'enterrement, le narrateur
quitte Ille et rentre à Paris. Il apprend quelques mois après que M de
Peyrehorade est mort lui aussi et que Mme de Peyrehorade a décidé de faire
fondre la statue pour en faire une cloche. Visiblement ceci n'a pas suffi à
faire disparaître la malédiction, car depuis que cette cloche sonne, les vignes
d'Ille ont déjà gelé deux fois.
Contexte de l'écriture
de la Vénus d'Ille
Nouvelle de Prosper Mérimée
(1837)
Mérimée a eu l'idée de cette nouvelle
lors de son voyage dans le Roussillon en 1834. Il y avait découvert un site
antique où des fouilles archéologiques avaient révélé un temple antique dédié à
Vénus. Mêlant imagination et érudition (Mérimée a été inspecteur des Monuments
Historiques), il nous offre avec la Vénus d'Ille, l'une des plus célèbres
de ses Nouvelles fantastiques. Dans sa correspondance, Mérimée évoque "une
histoire de revenants " : "c'est suivant moi, mon chef
d'œuvre".
Ille-sur-la-Têt
Ille-sur-la-Têt est une petite ville
de Catalogne, située sur la route de Perpignan à Prades, à 24 km à l'ouest de
Perpignan. Mérimée a visité cette région au cours de son voyage dans le midi de
la France entre le 12 et le 14 novembre 1834.
Les personnages de la
Vénus d'Ille
Le narrateur
Archéologue parisien, il n'est jamais
nommé dans le récit. Il est accueilli très cordialement par M. de Peyrehorade,
antiquaire à Ille, mais il ne peut s'empêcher de regarder " ces honnêtes
provinciaux" avec une certaine condescendance. Alors qu'il souhaitait simplement
satisfaire sa passion pour l'archéologie, le narrateur se retrouve, malgré lui,
plongé au cœur d'un drame.
M. de
Peyrehorade
Notable cultivé d'Ille, M. de
Peyrehorade est antiquaire. C'est lui qui accueille très chaleureusement le
narrateur. C'est un bourgeois de province, qui se prendrait bien volontiers pour
un savant. Il est amoureux d'une statue de Vénus découverte récemment, dans ses
terres. Il mourra quelques mois après la mort de son fils, sans doute de
chagrin.
Alphonse de
Peyrehorade
C'est le fils de M. de Peyrehorade.
Il doit épouser, le lendemain de l'arrivée du narrateur, Mlle de Puygarrig, une
jeune fille fortunée de la région. Le jour de son mariage, il passe bien
imprudemment sa bague au doigt de la statue. Il en mourra.
Mlle de
Puygarrig
Mlle de Puygarrig, une jeune fille
fortunée de la région. Elle est belle et raffinée. Elle devient "Mme Alphonse",
en épousant le fils Peyrehorade. Elle perdra dans la tragédie son mari et selon
les témoins son équilibre mental.
Mme de
Peyrehorade
L'épouse de M. de Peyrehorade. Elle
incarne l'étroitesse d'esprit de la bourgeoisie provinciale . A la différence de
son mari qui est subjugué par la Vénus, elle, se méfie : " Savez vous (dit M.
de Peyrehorade au narrateur), que ma femme voulait que je fondisse ma statue
pour en faire une cloche à l'église ?").
A la fin du récit son fils et son
mari sont morts, et Mme de Peyrehorade fait fondre la statue pour en faire une
cloche .
Quelques jugements sur
Mérimée et ses nouvelles
Mérimée, agnostique et qui n'a jamais
été baptisé, nourri de Voltaire, des Encyclopédistes et des Idéologues,
rivalisant avec son ami Stendhal de sarcasmes contre l'Eglise, les prêtres et
toutes les religions, affichait l'impiété, un matérialisme intrépide, une
confiance hautaine dans la science et la raison. En fait, il n'est sûr de rien,
il est torturé par le doute, obsédé par une présence qu'il n'appelle pas Dieu
parce qu'il se refuse au dogme comme à la révélation, mais qu'il décèle dans les
forces mystérieuses de l'Univers, dans la toute puissance du destin, dans
l'innommable comme dans l'ineffable . Stendhal, lui, n'avait aucune inquiétude
religieuse ni métaphysique : aussi n'a-t-il jamais écrit de conte fantastique .
Pour en rêver, ne fût-ce qu'un seul, il faut avoir le sens du mystère, de
l'au-delà, d'une transcendance de quelque nature qu'elle soit.
Marcel Schneider, La littérature
fantastique en France, Fayard, 1964
Il sait faire vingt pages, où les
romantiques s'évertuent à souffler un volume. Aussi quelle plénitude dans cette
brièveté. Un paysage est complet en cinq ou six lignes. Les caractères se
dessinent par une action significative, que le romancier a su choisir en faisant
abstraction du reste...
Il est simple aussi : ni sensibilité,
ni grandes phrases; un ton uni, comme celui d'un homme de bonne compagnie qui ne
hausse jamais la voix. On peut imaginer l'effet de cette voix douce et sans
accent quand elle raconte les pires atrocités. Car Mérimée est "cruel", il conte
avec sérénité toutes sortes de crimes, de lâchetés et de vices, les histoires
les plus répugnantes ou les plus sanglantes; ne croyant ni à l'homme ni à la
vie, il choisit les sujets où son froid mépris trouve le mieux à se satisfaire